Ô village ! Jardin de mon enfance
Et un beau jour, l’enfance et ses souvenirs reviennent dans un jardin entre la terre, les brins d’herbe et l’écorce des arbres. Soudain apparaissent un village bien connu, une mère et un père chéris, des visages familiers… Des instants suggèrent l’esquisse d’un sourire, œuvre de ravissement. C’est un très beau voyage dans ses souvenirs de petite fille que relate Joseline Bourdet.
Cette Wattignisienne, née dans les années cinquante, évoque l’insouciance paisible de la vie auprès de ses parents. Choyée dans une famille aimante, elle effleure la douceur de ce foyer et conte les souvenirs de sa jeunesse avec candeur.
Je vous propose de lire un extrait du récit de vie, Ô village ! Jardin de mon enfance…, de Joseline Bourdet par Camille auteure biographe. Avec l’aimable autorisation de Joseline Bourdet.
Lorsque son père décède alors que sa mère est partie depuis longtemps, Joseline Bourdet part dans sa maison de campagne où elle s’éveille à la contemplation et aux souvenirs d’enfance…
(…)
« Quand j’arrive dans ma grande maison, établie dans l’écrin verdoyant de la campagne des 7 Vallées du Ternois, aux abords de la Somme, au confluent de l’Authie et de la Warnette, je contemple les paysages. Et je respire.
À proximité de la propriété, le ruisseau de la Warnette serpente à travers notre commune avant de se jeter dans le fleuve de l’Authie. Il dévale la vallée et borde le hameau qu’il a formé, ce joli Fond de Val, où j’aime me réfugier. J’apprécie la poésie de la nature. Quand le soleil se lève et les oiseaux commencent à chanter, la rosée abondante du matin s’allie plus tard à l’odeur du foin et de la ferme dont les variations dépendent du vent. Je regarde à la fenêtre et je vois l’herbe onduler sur des kilomètres jusqu’à rejoindre l’horizon dessiné par les courbes des collines. Il nous prend l’envie de faire des balades dans le bois ; elles nous font le plus grand bien. Parfois nous parcourons jusqu’à 13 kilomètres par les chemins de randonnées. Il nous arrive ensuite de surplomber la vallée de l’Authie. Dans le centre du village, l’église est dédiée à saint-Liéphard, religieux lié au prince saxon, qui vécut en ermite dans la forêt voisine de Labroye. Sur certains de ses murs, l’église porte encore des inscriptions de l’époque révolutionnaire lorsqu’elle est devenue un temple dédié à la raison.
La vie prend d’autres couleurs à Raye. Et dans ces paysages proches de la terre, j’entretiens notre jardin et notre verger savoureux, composé de trois poiriers, trois pommiers, un prunier et un pêcher. Pendant ce séjour où j’essaye de me ressourcer, je retourne la terre. Soudain elle révèle ses parfums d’une vie que j’ai connue autrefois… Les souvenirs émergent.
Quand j’étais petite, j’accompagnais souvent mon père pour faire une promenade dans le bois de Wattignies. Il avait un rapport particulier à la nature, il aimait cultiver son potager. Du reste, c’était d’usage à l’époque de veiller à sa production de légumes consommés au quotidien comme les pommes de terre, les carottes, les poireaux, les haricots verts,… Ce premier souvenir avec mon père, il fallait que je l’écrive…
Un jour comme un autre, j’entre dans la véranda, entourée des baies vitrées ouvrant sur le joyeux paysage des collines, j’attrape des feuilles récupérées d’un précédent tri de grands cahiers à carreaux et je prends le premier stylo venu…
Je me mets à écrire dans ce globe de verdure, au cœur de ce Fond de Val, dans ce cadre, appelé communément « Par Monts et par Vaux », caractérisant poétiquement l’alliance de collines et de vallées dont je ne me lasse pas d’apprécier le caractère bucolique. La colline s’anime du spectacle quotidien des vaches, réunies en troupeau, qui descendent à la laiterie.
Et dans cette bulle de prairies vertes, la seule âme qui vive est celle du fermier dont l’exploitation est installée sur la droite de notre chalet. Je reste assise à mettre sur le papier tous les souvenirs qui me viennent à l’esprit. Puis d’autres anecdotes arrivent, des personnages familiers, des habitudes, des événements, et toutes ces histoires qui nous façonnent jour après jour. Je me suis dit : si je ne les écris pas, elles s’effaceront de nos existences. J’avais toujours eu une oreille attentive durant mon enfance. Ma proximité avec les adultes de la famille et ma sagesse précoce faisaient que j’avais engrangé les principales histoires familiales et autres anecdotes, faits notoires et épisodes saillants. Je me suis prise au jeu de dérouler cette pelote de laine géante en prenant le fil de l’enfance. » (…)
© Camille auteure biographe